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C'etait Il y a un an :  depuis, les choses ne ce sont pas vraiment arrangées...Une contribution de Nicolas Henin, ex-otage en Syrie, auteur du livre "Jihad Academy".
C'etait Il y a un an :  depuis, les choses ne ce sont pas vraiment arrangées...Une contribution de Nicolas Henin, ex-otage en Syrie, auteur du livre "Jihad Academy".

C’est un sentiment étrange qui me saisit lorsque je rencontre Mourad. Lui, musulman fervent, moi, laïc de culture catholique. Et malgré tout, une impression d’immense proximité. Nous avons tout les deux vécu l’expérience de l’enfermement. Nous étions tous les deux taulards, aux deux extrémités d’un système de folie. Un système irrationnel, totalitaire, profondément injuste. Lui a été enfermé par ce que la plupart des gens autour de moi considèrent comme « le Bien ». Guantanamo. En fait, un piège. Une façon que l’on imaginait commode de se débarrasser des « terroristes », qui s’est retourné contre son créateur et que ce dernier ne parvient plus à refermer.

Moi, j’ai été enfermé dans une réplique à Guantanamo, créé par ceux que mes congénères considèrent comme incarnant « le Mal ». J’ai aussi eu droit au pyjama orange. Mes geôliers ont torturé plusieurs de leurs détenus, singeant précisément les techniques de torture (pardon : d’ « interrogatoire poussé ») utilisées par le renseignement américain. Vengeance ? Non. Révélation du vrai visage des deux parties.

Les terroristes nous provoquent en faisant appel, dans notre fantasmagorie, à ce qu’il y a de plus extrême : exécutions, décapitations, immolation, mutilation de corps, manipulation des enfants et destruction du patrimoine. Ils veulent nous tétaniser. Nous pousser à l’outrance. A réagir par la violence, et ce faisant rentrer dans un engrenage dont ils savent qu’ils sortiront vainqueur.

L’action terroriste a cela de spécifique que son succès s’évalue dans une grande mesure non pas par sa réussite intrinsèque mais par la réaction de la victime. Il faut être d’une immense naïveté pour imaginer que les Etats-Unis ont puni al-Qaeda en envahissant l’Afghanistan et l’Irak ! Le principal succès du 11 Septembre, ce n’est pas la destruction des tours et les morts qui l’ont accompagnée. Le principal succès de ces attentats, ce sont les guerres en Afghanistan et en Irak. C’est la phobie sécuritaire qui s’est emparée de l’Occident. C’est la création de Guantanamo – devenu pour les djihadistes un argument de recrutement des plus puissants. Autant de succès souhaités par les auteurs des attentats mais réalisés par leur victime !

Vous prétendez lutter contre le terrorisme ? Parlez. Ecoutez. On traite trop la radicalisation comme si elle était un phénomène sui generis, venu de nulle part. Non, elle trouve des racines bien concrètes, dont certaines chez nous, dans nos sociétés ou dans nos actions. Il ne s’agit par pour moi de tomber dans la facilité d’une auto-flagellation masochiste, de réduire toute explication au slogan post-soixante-huitard « c’est la faute à la société ». Mais je reprends à mon compte les mots du chercheur Pierre-Jean Luizard : « je ne légitime pas les islamistes, mais, en diabolisant un ennemi, on se prive de comprendre son succès. »

Plutôt que l’outrance, la réponse au terrorisme passe par la subtilité. Plutôt que la violence, elle passe par la moralité. Toute autre politique est contre-productive.

Nicolas Hénin, journaliste, auteur de Jihad Academy

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